En voilà un autre, un autre chien. Si efflanqué, paillasson sur pattes, la peur dans ses yeux est d’une indicible profondeur, sa soumission est pourtant d’une totale atitude. Avez-vous remarqué que les chiens sont devenus muets tant leurs maîtres aboient.

Et voici son seigneur et maître. Un jeune comme on dit maintenant. Diantre, il arbore une crête sur la tête, jaune tabac usagé, il est tout clouté de petites souffrances. Il se traîne comme un Christ à pointe. On a peur de le voir s’effondrer en plusieurs morceaux, si, par mégarde, on lui retire une de ses épingles à nourrice qui le médaillent de partout. Je n’ai jamais compris et je ne comprendrais jamais pourquoi des jeunes gens qui refusent toute autorité aliènent ainsi de pauvres bêtes. Je n’ai pas plus d’indulgence pour ceux qui exhibent un molosse au bout de leur peur, d’une lâche laisse et qui, le regard fier, pensent dominer leur petit monde, parce qu’ils sont obéis par une bête abrutie de coups, les tirages de collier, les ordres répétés et répétés, enfoncés au plus profond du cerveau comme autant d’échardes vives. Pas d’indulgence non plus pour ceux qui de bonne foi, de bonne raison, de bonne gentillesse, ratatinent un chien en apart. en ville. Mais Plainpalais riait à pleines dents, de grand chaud, d’immense beau malgré ce sacré bordel des chantiers divers, épars, de ci de là, cahin caha. Ah, mais voici deux lascars qui arpentent, ternes et gaillards, à grands pas, les trottoirs qui enveloppent la Paine. Mi anges blonds ras, mi putes à l’âme fendue, plus pute qu’ange, insectes humanovores d’une secte qui commande à Dieu. Ils sortent de leur templière dés le matin trébuchant et parasitent l’espace spirituel de chacun jusqu’au soir sonnant. Si poliment, vêtus d’une chemise blanche, avec un badege noir à leur nom épinglé, un pantalon noir, une besace en bandoulière. Ils prêchent la bonne parole réinventée. Réinventée par qui ? Ont-ils une tête, un corps ? Font-ils l’amour comme il sied à leur âge ? Se souviennent-ils d’une enfance ? Existent-ils ? A suivre.

Jean-Yves Le Garrec