Sans doute avez-vous remarqué que notre environnement change, grossièrement souvent, plus subtil parfois mais inexorablement ; les nouvelles modernités nous envahissent. Et bien sûr, il nous faut nous adapter sans sourciller. Ceux qui décident pour nous se drapent dans une légitimé démocratique que leur confère le statut d’élu. Cela éclaire crûment tout le non-dit des élections, on vote pour des idées générales et on se retrouve à gérer, toujours, à subir, la plupart du temps, des détails de vie qui n’ont rien à voir avec ce pourquoi on avait voté. Où sont les grandes envolées si lyriques des candidats, où sont ces chevaliers si fringants qui faisaient miroiter le bonheur pour tous. Ils sont devenus des petits besogneux ou des survoltés calculés qui n’ont plus 2 minutes pour nous recevoir ni même quelques secondes à nous écouter.

A vrai dire, je ne me pose plus ces questions depuis longtemps sachant que le sourire blanc et engageant n’est qu’un dentier qui cache une dentition de prédateur beaucoup moins reluisante. Non, ce qui change, c’est cette nouvelle éducation à donner à nos enfants, ces nouveaux points de repère à leur inculquer, ces nouvelles balades à parcourir. Leur apprendre une vie qu’on ne connaît pas et que nous avons, nous même, du mal à maitriser ou, pire, à poétiser.

A un âge plus tendre, je pouvais me balader en campagne, nommer quelques arbres, siffler avec de longues herbes. Maintenant, il me faut une voiture, trouver un endroit où une nature est restée un peu, non domestiquée. Et me taper plein de bagnoles pour rentrer. En ville, par contre cela stimule mon imagination pour expliquer un arbre qui était là et dont il ne reste qu’un rond de terre toujours bordé de quelques pavés. Et avec moults gestes mimer l’arbre et trouver une raison pour son absence et celle de tous les autres arbres qui ont été rasés et dont les ronds se suivent comme des âmes en peine. A mon enfant, à défaut de trouver un musée ouvert, je montre les nouvelles curiosités architecturales de Genève et leur fonction. Là, mon fils tu jetteras tes bouteilles dans ce caisson design et vert, là ces petites moles colorées sont pour tes différentes ordures bien triées. Là un cube jaune, là des jeux pour enfants mais non tu ne peux aller dessus, ils doivent être démontés, trop dangereux qu’ils disent. Quand je montais haut dans un arbre il n’y avait pas de panneaux dessus qui indiquait l’âge minimum ou maximum, le poids, le sens du vent, la couleur des yeux, la taille des chaussures, bon j’exagère un peu. Ah, tu veux aller dans le bac à sable, ben… c’est là que tous les chiens vont pisser et crotter et ce truc-là, tu vois, c’est une seringue, comme chez le docteur, oui. Et il est où le docteur ? Bonne question, ça. Et pourquoi il laisse son matériel dans ton bac à sable. Nous lui demanderons plus tard. Remarquez, la nouvelle éducation fait voyager. Là, tu vois, cette dame qui tend la main, non, elle ne veut pas te dire bonjour, elle demande une pièce. Elle vient d’un pays loin de l’autre côté des montagnes, très pauvre. Ah, tu trouves que c’est un chouette métier ! Tendre la main devant la banque et placer le tout dans la banque. Non ce n’est pas le même métier, ça c’est banquier et un vrai métier. Non, non la dame en grande jupe et au foulard sur la tête, c’est pas une banquière d’un pays lointain. Bon, continuons notre balade. Que font-ils ces jeunes à aborder les gens comme ça ? Et il sont tous noirs. Hé, oui, faut le reconnaître, mais ils sont sympas. Enfin… ils vendent des produits qui sont interdits et très très dangereux. Ils sont fous ? Non pas eux, ceux qui achètent oui. Tu vois c’est le principe de base du commerce et de là, du capitalisme le plus débridé. Il y a une demande et l’offre suit, puis l’offre augmente et la demande est créé par la pub et ainsi de suite. Tu t’en fous, tu veux pas être noir ni con pour acheter des trucs très très dangereux. Et pourquoi la police ne les empêchent pas de vendre des trucs interdits ? Oui je te comprend. Mais la police elle met des amendes aux voitures mal garées. Non pas forcément aux voitures noires, à toutes les voitures. Tiens, viens, je vais te donner une leçon de gastronomie américaine, oui, oui, avec des frites et du coca et nous parlerons de tout ça.

A suivre…