Au-delà de la poussée spectaculaire des partis M.C.G. et U.D.C. qui peuvent inquiéter à juste titre, il y a une certaine angoisse diffuse dans la population qui n’est pas prise en compte par les partis traditionnels, qu’ils soient de gauche, de droite ou du centre. Notre société vit un important chambardement que la plupart des citoyens constatent dans leur vie de tous les jours et que ne voient pas ou plus, nos hommes politiques. A l’heure d’internet, les citoyens n’ont pas besoin qu’on leur explique le monde.

Ils veulent qu’on les écoute dans la difficulté de leurs vies quotidiennes. Ils ne supportent plus non plus les leçons de morale ou les grandes péroraisons dénuées de fondements qui tournent à vide. Il faut se souvenir que Genève s’est construit par vagues successives de migrants. J’avais déjà écrit un article sur le fait de savoir quel est donc ce vrai Genevois. Ces vagues de migrants étaient certes, souvent de même culture, notament religieuse ou linguistique. Mais surtout, les émigrés de cette époque venaient pour travailler et s’intégrer. Les grands-parents sont souvent repartis, laissant, après une longue vie de labeur, le soin à leurs enfants de devenir Suisses et de continuer ces sagas familliales totalement intégrées. Et de léguer également, une maison, un appartement, bref une vie de sacrifice pour donner le meilleur à leurs descendances et remercier ainsi le pays qui les avait accuelli en leurs confiant cette descendance. Descendance très bien élevée, plus suisse que suisse, sans doute. Il ne faut pas croire, encore dans les années 50, voire 60, que les migrants étaient bien vus ou bien reçus. Souvent, ils ne pouvaient amener leurs enfants. Souvent, ils passaient à la désinfection et ils avaient droit comme consolation à ces brimades, aux travaux les plus durs, les plus exposés, les moins payés. Mais ils étaient venus de plus pauvre encore et ils n’avaient souvent que leurs mains, que leurs bras, comme seules valises. Ils venaient travailler et offrir à leurs familles, un avenir, sinon meilleur, en tout cas moins sombre et même un avenir tout court. Ils ont travaillés durs, n’ont jamais pour la plupart profité du système social, n’ont jamais abusé de quoi que se soit et mettaient un point d’honneur à payer leurs impôts et toutes choses exigées par l’état. Ces gens là, qui sont presque la majorité dans le canton de Genève, ont peur maintenant. Ils ne comprennent pas ces cohortes de migrants aléatoires, qui ne viennent pas pour travailler mais pour profiter, avoir une petite part du gâteau, sans vouloir, ne serait-ce que mouiller la farine. Et ils sanctionnent par leurs votes ceux qui pensent qu’il faut aider, coûte que coûte, ces hommes et ces femmes. Déjà, les longues discussions sur d’autres styles de vie, ne leur conviennent plus. Tous les anciens migrants ne venaient pas pour imposer leur façon de penser ou de vivre, ils se moulaient, avec dignité, dans la vie suisse. Alors, ils se cabrent, ils rejettent, sans être des extrémistes et tombent dans les bras de ceux qui leurs parlent de stopper tout ça. Ils veulent vivre une vie normale, sans peur, sans avoir à donner tout le temps, sans avoir mauvaise conscience aussi de ne plus donner, car trop c’est trop. Toute cette petite délinquance quotidienne, ces incivilités, ces grossiertés, l’impression qu’on se fout de leurs figures, fait le lit des extrèmes. Un jour un socialiste français, bien connu, à déclarer au sujet du Front National, il pose les bonnes question mais n’ont que de mauvaises réponses. Oui, mais ils ont des réponses, là où les partis traditionnels n’ont souvent que des incantations. Alors ils laissent s’accumuler ces petits désagréments, ils en diminuent la porté, ils trouvent des excuses mais à la longue, l’addition devient salée, l’exaspération de bon aloi devient une petite haine, de plus en plus tenace, de plus en plus virulente. Nous savons tous que la misère à la télévision reste bien élevée, elle donne envie de donner son obole. Quand la misère arrive à notre porte, nous ne l’acceptons pas, nous n’en voulons pas. La misère doit rester chez elle, loin , dans le poste de télévision, elle ne doit pas en sortir. Alors, peut on reprocher quoi que se soit à tous ces votes désemparés, désorientés. Non, mais il faut des réponses claires, mêmes très humaines, pas de la morale ou de grands discours sur la responsabilité qui nous incomberait de nourir le monde entier. Surtout quand le monde entier tape sur la Suisse, la traîte de voleur et d’escroc, de nantis égoïstes.

A suivre…