Si vous me permettez, je voudrais faire un petit apparté, avant d’écrire cette dernière chronique. Je lisais dans différents quotidiens, j’écoutais plusieurs journalistes en faire état ainsi que les commentaires autosatisfaits de nos gouvernants, de la chute du nombre de migrants en mer Egée. Je ne sais pas s’il y a une chute des migrants en mer Egée, mais je suis sûr qu’en mer Méditerranée, ils coulent ! Ceci écrit et j’y tenais, je continue cette chronique.

J’entends bien toutes ces critiques sur le manque de réaction ou de solidarité de l’Europe et par association d’idées des peuples européens. Sont-elles justifiées ou obéissent-elles à une autre logique ? Il y a quand même un point important qui semble avoir été totalement occulté, oublié, volontairement ou non, c’est la raison première de cet afflux massif, la fuite de la guerre. La première urgence quand on fuit la guerre c’est de se mettre à l’abri, en sécurité. Or, il me semble, que cette urgence est assurée. Les réfugiés sont à l’abri, en sécurité. Plus d’avions qui les bombardent, plus de barbus djihadisés qui veulent les découper en rondelles, plus de bandes fanatisées, de rebelles armés, plus rien. Le silence et la paix. Bon, je ne suis pas candide non plus, sur le silence ou la paix, juste une image, pour rappeler ce fait, oui les réfugiés ou migrants ou comme vous voulez les nommer, sont à l’abri. Ce qui est quand même le but premier de cette migration.

Pourtant, je n’entends que des critiques sur l’incapacité de l’Europe ou son manque de volonté, de la commission européene qui gesticule, de ses gouvernants qui palabrent. Critiques justifiées mais trop générales pour être efficaces. Elles tombent à plat, et, paradoxalement, obtiennent l’effet inverse. A savoir, donner la possibilité à chaque entité nommée de se renvoyer la balle. Le principe de la dissolution des responsabilités étant une constante de la construction européenne. Critiques quotidiennes, très bien relayées, qui servent également à masquer les insuffisances des gouvernants pour le bien vivre de leurs propres peuples. Critiques à base d’images dures, presque du voyeurisme malsain, qui mettent surtout mal à l’aise, ceux qui aimeraient sincèrement aider, mais ils sont empêtrés dans leurs propres problèmes insurmontables. Critiques qui s’adressent à ceux qui décident mais qui ne font que faire culpabiliser ceux n’y peuvent rien.

Critiques de centaines de journalistes qui se bousculent sur place, traquent l’image émotionnelle, gros plan sur les visages fatigués, apeurés, affamés, sur les corps frigorifiés, les enfants en larmes, et cerise sur le gâteau médiatique, gros plan sur ces sacs en plastic noir, morts sans nom, qui n’ont plus peur, qui n’auront plus jamais peur, ni faim, ni plus rien. Toutes ces équipes de journalistes au ton mi larmoyant, mi moralisateur, apportent-elles au moins un peu d’eau, un peu de pain ? Ou bien sont-elles là, uniquement pour le job ? Et si nous pourrions admettre ce fait, les chaines de télé qui les emploient, qui font leur beurre avec ce drame, ne pourraient-elles faire un petit geste ? Trop facile de se retrancher derrière une espèce de déontologie à la con, qui consisterait à faire pleurer Margot dans les chaumières, tancer le peuple et rentrer chez soi, serein, le devoir accompli !

Critiques plus légitimes des associations sur le terrain, qui se battent comme des chiens modestes et savent faire le job, sans souvent le faire savoir. Petites structures locales, avec peu de moyens mais un cœur à l’ouvrage immense. Je me fis cette réflexion, au hasard d’un télescopage de deux reportages.

L’un, présentait un homme, d’un certain âge, engagé sur le terrain, les deux pieds bottés dans la boue merdeuse, sans récriminations particulières, juste demandant un coup de main et nous faisant partager son difficile quotidien de bénévole engagé. L’autre reportage, était une interview du représentant d’Amnesty International auprés de l’ONU, donc fimé à New York. Bien habillé dans son beau costume, il accusait les européens de faillite morale, de ne rien faire, et patati et patata. Un décalage honteux donc, entre le savoir faire et le faire savoir, qui amènera sûrement un jour à se poser la question de ces grandes associations, qui ne savent plus que donner des leçons, ramasser du pognon pour leur propre fonctionnement et parader.

Certain penseraient que ces petites associations locales sauvent l’honneur, mais l’honneur de qui ? D’une entité européenne délitée qui ne représente plus qu’elle même, ou des peuples qui la composent ? Dans un sens, oui, et c’est bien malheureux de servir de paravent aux incapables qui nous gouvernent. Dans l’autre, non, et c’est heureux, l’honneur des peuples n’a pas à être sauvé, il est. Je tiens à redire toute mon admiration pour le peuple grec, sons sens inné de l’accueil, son abnégation devant la tâche titanesque, et pourtant, peuple grec vilipendé, peuple grec mis à genoux par les grandes banques, peuple grec réduit en mendiant par Merkel et ses complices Hollande et compagnie. Il faudra aussi un jour, se pencher sur cette dichotonie entre les décisions fantasmées du représentant en chef d’un pays et les aspirations réelles du peuple. Qui représente quoi ? Qui représente qui ?

Le droit d’asile est, comme son nom l’indique, un droit. Juste un droit malheureusement et non un devoir pour chaque pays de l’honorer. L’homme coupé en deux n’a pas fini de courir après ses deux moitié.

Jean-Yves Le Garrec