Parfois, le regard, sans qu’on lui demande quoi que ce soit, est attiré irrésistiblement par un truc auquel on n’avait jamais prêté attention. Soit que la chose fut placée de telle sorte pour passer inaperçue mais qu’elle se doit quand même d’être présente.

Soit que nos yeux ont autre chose à faire que de fureter dans tous les coins de ce supermarché, trops souvent sollicités de notre part pour la recherche du prix le plus bas qui est toujours le plus bas d’ailleurs. Alors il faut se baisser, fatigant à la longue. Moi, mes yeux, ils aiment flotter sur la ligne d’horizon, voir plus loin encore que le lointain, découvrir l’invisible derrière le visible, ce qui est idiot par définition ou impossible par déduction.

Tiens, ça me rappelle les voisins du pays d’à côté dont la devise est : Impossible n’est pas français. Certes, mais entre-nous, c’est souvent le Français qui est impossible. Pourtant il est possible d’être Français et même d’être un Français impossible, d’ailleurs il y en a 60 millions et quelques milliers. Dont la majorité se prétend de souche. De souche oui, pas de douche, on le sait, inutile de remuer le savon dans la plaie. Il se pourrait même que ce soit meilleur pour la bonne santé de la peau d’éviter la douche quotidienne. Et je vous entends déjà, balivernes, de ne pas se laver tous les jours, impossible, on est des Suisses pas des Français.

Ben non, impossible n’étant pas français, donc c’est possible… Enfin pour eux. Et puis peut être que vivre dans la merde, c’est le nec le plus ultra de l’écologie, le Saint Graal des verts. Non, je plaisante, juste une réflexion que je me suis faite quand j’ai lu que les dedans des maisons étaient plus pollués que les dehors. Plus ta maison est propre, sent bon, brille du parquet au plafond, plus tu risques les cancers pollutueurs, les métastases de la bonne nettoyance, les tumeurs de la serpillière. Brrrrrrr, nous nettoyons dangeureusement.

De souche… Vraiment… Quelle expression à la con ! Et qui ne veut rien dire sauf dans la bouche à mauvaise haleine des extrêmes droites fascisantes. Tenez, moi par exemple, je suis breton de souche et français de force. Enchainé à la couronne de France peu après la mort d’Anne de Bretagne. Je suis devenu français avec un coup de fourche dans les fesses, français de fourche quoi ! Interdit de parler breton et de cracher par terre, et si par malheur un de mes glorieux ancêtres se faisait prendre à parler sa langue, hop on la lui coupait… la langue. Et dans les guerres que livrait le royaume, les bretons avaient toujours l’honneur d’être en première ligne. Il est vrai que la plupart des pays européens se sont construits sur les cendres, les ruines et le sang des différents peuples qui y vivaient. D’ailleurs toutes les grandes démocraties d’Europe devenues se sont construites de bruits et de fureurs, d’exterminations et de spoliations, et surtout toutes se sont taillées un pays sur mesure avec des frontières de fer et de barbelés.

Je ne sais pas comment on vivait en Afrique, en Amérique du nord ou du sud, quand au moyen-âge le continent européen était à feux et à sang. Je pense qu’on y vivait autrement, peut-être pas toujours en paix mais plus en harmonie naturelle, sans doute, et que les frontières-barrières n’existaient pas. Avec la violence, l’Europe a surtout aussi exporté les frontières-cadenas, les frontières-fermoirs, les frontières-refouloirs, puis les a imposées, en charcutant l’Afrique, en hachant les Amériques, en sabrant l’Asie.

Mais je m’égare de mon propos initial. Donc, devant la porte à tourniquet d’un super-marché de Plainpalais, cette enseigne bien connue qui commence par un C et se termine par un P. Un P ? Comme c’est drôle de vendre de la mangeaille pour faire un bon repas avec un nom qui se termine par un P. Bon, enfin, moi, je trouve ça drôle mais je ne vous oblige pas. Bref, mon regard look en bas à droite de la porte à tourbillon, une petite affiche avec écrit dessus – ici on ne vend pas de fourure – Je trouve ça très bien de ne pas vendre de fourrure. Mais passé la porte, je tombe sur une promotion d’oreillers et de couettes en plumes véritables. Je sais que je ne suis pas très malin, donc, je pose la question suivante. Peut-on considérer les plumes et plumettes des canards et autres oies comme les poils des animaux à fourrure ? Ou est-ce une hérésie ? Bonne semaine !