Je suis le mal aimé de tous. L’ignoré par l’histoire. Celui qui rata, de peu, certes, la gloire et la consécration. Je suis l’anonyme du lendemain.
Celui qu’on aimerait qu’il ne voit jamais le jour. Qu’il reste dans son garage à bus, dans sa bouche de métro. Qu’il ne couine pas comme une souris malade sur ses rails de tram.
Alors je porte ma croix aux clous d’une inutile souffrance, souffre-douleur je suis, souffre-douleur je reste, crucifié tel Sisyphe, je roule ma déconvenue encore et toujours. Et les seules prières qui me sont adressées ne demandent que mon oubli du temps qui passe. Ou que je sois noyé dans les piles du pont qui enjamberait le jour d’avant et le jour plus après.
Et quand je suis fermé, on me voue aux gémonies. Fermé, j’empêche l’échange des cadeaux foireux, des cadeaux à répétition, des trucs inutiles enrubannés avec une petite carte-bisous de Mamie ou Papy, Maman, Papa, Tonton Robert, celui qui lubrique dans son regard, Tante Ursule, celle aux oursins dans les poches.
Tandis que s’éteint la petite lumière des yeux excités devant ce paquet aux couleurs criardes, cette promesse émerveillée, papier déchiré, il se palpe alors cette déconvenue de haine et de rage, d’incompréhension et de larmes refoulées. Alors je suis, pour une fois, le recours, le Sauveur même, dans une douce revanche de ma misérable condition, mais je suis souvent clos, clos et maudit.
Pourtant, quand j’ouvre les bras, personne ne m’accueille gentiment. Ce ne sont que jurons, grossièretés, doigts d’honneur et, in fine, que j’aille me faire mettre. On a pas idée d’emmerder les gens alors qu’on a pas même fini de digérer, de raboter sa gueule de bois. Non, non, il nous faut s’habiller puis courir, raconter, enlever son manteau, raconter, dire bonjour, raconter, ect, raconter !
Voilà mon lot car je suis le paria du calendrier,je suis le 26 décembre!
Jean-Yves Le Garrec